Augmentation de la fréquence de traitement en bio, biody, phytothérapie: le contresens à éviter.

Aux vues des dommages sanitaires et environnementaux des produits systémiques axés uniquement sur l’efficacité chimique, nous avons d'abord été invités à travailler sur la réduction de la fréquence des passages, ce que nous nommons les IFT. Le but est de moins passer dans ses vignes ou autres cultures et de réduire sensiblement la dose d’intrants. Cette réflexion basée sur la soustraction, tout en gardant la même typologie de produits, a permis de favoriser une réflexion sur le sol. En réduisant le passage des tracteurs alourdis d’une cuve, on présuppose que le sol sera moins tassé. Comme de la même manière a été mise en avant la baisse des émissions de dioxyde de carbone. Enfin, la réduction des passages a permis de revenir au cycle physiologique de la vigne et à une lecture météorologique plus précise afin de positionner ses traitements de manière plus optimale.
Tout cela est tout à fait bénéfique. Seulement aujourd’hui, une fois que l’on a mis en place cette méthode, nous sommes bloqués sur un palier qu’on pourrait nommer “agriculture raisonnée” qui certes est un grand pas mais qui pour beaucoup d’agriculteurs ne suffit plus ou n’est plus une fin en soi. Lorsque l’on souhaite aller plus loin sur des méthodes de biocontrôle, de biodynamie, de phytothérapie végétale et opter pour une autre pratique de protection, la réflexion sur l’indice de fréquence des traitements se pose d’une autre manière.
Beaucoup de personnes en agriculture raisonnée opposent aux traitements plus naturels une fin de non recevoir à cause de l’augmentation du nombre de passages, se targuent. Il est donc temps de traiter cette question présentée généralement comme une impasse.
Bien entendu, lorsque nous changeons de pratique, nous partons du principe que nous améliorons ce que nous avons déjà mis en place. Ainsi, quelqu’un qui a déjà baissé drastiquement le nombre de traitements compte bien garder cet acquis tout en changeant ses produits. Malheureusement les deux sont dans un premier temps incompatibles. J’ai longtemps réfléchi à la question mais la réponse venait toujours à décrédibiliser l’un et l’autre et à tourner en rond.
J’en suis venu à cette solution: réintégrer le facteur temps. Comme toute transition, le moment des changements n’est pas le plus optimal. Nous adoptons de nouvelles pratiques qui viennent bousculer l’équilibre que nous avons mis en place, mais cela seulement pour un temps donné et non pas de manière définitive.

Annoncer que les biocontrôles, les produits biodynamiques ou de la phytothérapie végétale requièrent plus de passages et s’arrêter là, n’est pas une vision juste et discrédite l’ensemble de la démarche. Il y a en effet un temps d’adaptation aux nouveaux produits et modes d’application, le vôtre et celui de vos cultures. Au début, il est préconisé d’augmenter le nombre de passages, d’une part parce que certains produits ne sont pas compatibles et d'autre part parce que certains nécessitent plusieurs passages en eux-mêmes afin que l’information soit bien perçue par la plante. Il n’est pas ici question de penser que ces produits ont moins d’efficacité, qu’ils sont moins impactant. Ils le sont tout autant, voire même plus que les produits 100% chimiques. Ils n’ont cependant pas la même voie d’application et modifient fondamentalement le biotope.
Passé ce temps de transition et accompagné d’autres méthodes que celles purement centrées sur les traitements (permaculture, agroforesterie, couvert des sols, trophobiose, gestion de la nutrition, …) le nombre de traitement redescend jusqu’à même atteindre un seuil plus bas que celui que vous aviez mis en place précédemment.
Pour conclure: n’ayez pas peur d’augmenter la fréquence des traitements lorsque vous passez à une pratique moins intensive chimiquement mais plus intensive "végétalement". Le but est d’arriver à un équilibre, de créer des dynamiques naturelles qui vous soutiennent et qui peu à peu vous permettent de ne plus intervenir de manière aussi fréquente. Il n’y a aucun intérêt de comparer des interventions “raisonnés” avec des interventions "intégrées", chacune d’elles propose une voie et un timing complètement différent. Ne raisonnons pas sur une saison, raisonnons sur une période entière de transition.